Quel poste occupes-tu chez Imotis ?
Je suis responsable de programmes chez Imotis , cela consiste à piloter les programmes immobiliers collectifs. J’interviens lors du montage du permis de construire, en collaboration avec Hubert DUBOIS (directeur général d’Imotis), je pilote l’équipe de conception, je réalise les appels d'offres des entreprises, le suivi du chantier et les livraisons clients, bref la liste n’est pas exhaustive ! Chez Imotis, nous sommes maîtres d'ouvrage et la maîtrise d'œuvre est gérée par une entreprise indépendante. En général, je gère simultanément 4 ou 5 programmes immobiliers, à différents stades d'avancement.
Peux-tu nous en dire plus sur le programme “Le Flamboyant” à Annecy le vieux ?
La particularité du Flamboyant, c’était la présence d’un hôtel (exploité jusqu'à fin 2020) sur le terrain où nous allons construire notre programme. Pour construire nos deux bâtiments, nous devons le détruire, sa réhabilitation et sa transformation en logements n’était pas possible. Cet hôtel n'était pas insalubre, au contraire les chambres ont toujours été entretenues. Beaucoup de mobilier avait déjà été évacué par les anciens propriétaires, mais il en restait encore, et pour la plupart en très bon état. Nous nous sommes donc posé la question : “Que faire de tout ce mobilier, de tous ces matériaux, encore utilisables ?”. Les mettre dans une benne était franchement dommage.
Quelle démarche novatrice avez-vous décidé de mettre en place sur ce programme ?
Aujourd'hui, en tant que promoteurs immobiliers, nous avons des objectifs thermiques et à présent carbone à atteindre, avec des obligations de résultats. Toute notre filière doit donc se remettre en question, notamment sur notre manière de travailler, pour être de plus en plus performants sur cet aspect carbone (et indirectement, consommateur de matière première) dans les années à venir. En parallèle, la filière émergente du réemploi se développe et se structure. L'utilisation de matériaux de réemploi est l'une des solutions pour réduire le volume de nos déchets de chantier et ainsi adopter une démarche plus vertueuse. Cependant, pour utiliser ces matériaux dans les chantiers Imotis, il est nécessaire que la filière soit alimentée en matériaux disponibles. C'est pourquoi nous avons estimé important de prendre part à ce processus.
On commence par quoi quand on veut s’investir dans la filière du réemploi ?
Tout d'abord, il est important de trouver une entreprise structurée pour déposer les matériaux de manière fiable et efficace, dans le délai imparti. Après avoir effectué une recherche minutieuse, nous avons découvert Made In Past, entreprise basée à Lyon se spécialisant dans la dépose sélective et la revente des matériaux. Made In Past propose des solutions sur mesure et clés en main pour réduire l'impact écologique des démolitions en réduisant le volume de leurs déchets.
Comment s’est déroulée la collaboration avec Made In Past ?
La démarche de réemploi est réalisée en plusieurs étapes :
- Le “diagnostic déchets” qui permet d’évaluer le potentiel de réemploi ou de recyclage des matériaux présents sur un chantier. Cela nous a permis d’affiner et de classifier nos ressources, d’effectuer un tri efficace des éléments concernés par le réemploi ou le recyclage, mais aussi pour ceux voués à la déchetterie. Nous avons pu quantifier les tonnages de chaque matériau, ce qui est très important. Cette démarche nous a permis de réaliser une déconstruction du bâtiment plus qu’une démolition et un tri fin qui a limité le coût des bennes DBI (Déchet Industriel Banal).
- Vient ensuite la dépose minutieuse des éléments réutilisables. Pour Le Flamboyant, il s’agissait surtout des WC, de lavabos, d’interrupteurs, de chemins de câble, d’éléments majeurs de charpente, etc.
- Enfin, il y a la commercialisation des matériaux. Les éléments récupérés sont mis en ligne sur le site internet de Made In Past, pour y être vendus auprès des professionnels, des particuliers ou des collectivités intéressés. Le « Vinted » des matériaux du bâtiment.
L'ensemble des actions mises en place par Made In Past s'accompagne d'un livrable contenant un bilan chiffré de l'opération.
Quels sont les intérêts d’entamer une démarche de réemploi sur un programme immobilier ?
Les intérêts sont multiples :
- Il y a un intérêt économique : la dépose sélective nous permet de diminuer nos frais de décharge. La mise en place de l’opération présente un coût, mais compte tenue de l’ampleur de la démolition, il a été amorti lors des négociations avec l’entreprise qui s’en chargeait par la suite. Dans le cas du Flamboyant, nous avons alimenté la filière. Mais pour nos futurs programmes pourquoi ne pas acheter des matériaux de réemploi ? Ils sont tout aussi nobles que les neufs, mais à moindre coût et surtout, avec un poids carbone très faible.
- Un intérêt écologique : Cette démarche nous a permis de réaliser un vrai tri avant la démolition : ce qui est réutilisable, ce qui est recyclable. Ce qui devait être jeté a aussi été trié minutieusement par type de produit : plâtre, métal, bois, etc.
- Un intérêt sociétal : pourquoi jeter alors que nous avons des matériaux exploitables ? Il faut changer nos modes de conception, de construction, pour éviter de produire à l’infini et de jeter à tout va.
- Un intérêt éthique pour l’entreprise : On a montré l’exemple. C’est une méthode qui nous permet de progresser, nous, Imotis, en tant qu’entreprise responsable. Pour les compagnons qui travaillent sur site, c’est plus valorisant et agréable de travailler dans un environnement plus propre et avec moins de poussière.
- Un intérêt politique : la démarche a été apprécié par la commune d’Annecy avec qui nous sommes constamment en discussion. Cela a montré notre sérieux et nous aide grandement à trouver des solutions avec eux sur des difficultés de chantier quotidiennes.
En conclusion, quelles sont les leçons à tirer de cette démarche de réemploi ?
Il faut se donner les moyens de bien s’entourer, avec des entreprises structurées et expertes dans ce domaine. Il faut avoir envie de se remettre soi-même en cause, dans ses habitudes de travail par exemple. N’ayant pas encore d’automatisme, on s’engage dans une démarche qui demande plus d’efforts, plus de temps, mais qui participe à un processus plus vertueux pour la planète, pour l’avenir du monde dans lequel nous vivons. Notre première expérience c’est avec Le Flamboyant. Au début, nous avons tâtonné mais finalement tout s’est très bien passé, c’est une expérience très positive, à réitérer quand le tènement s’y prête.